Opéra Garnier

Rien de tel qu’un confinement imposé et prolongé pour errer dans ses archives photographiques. Chacun fait son ménage de printemps. Voici donc le butin d’une de mes explorations au sein de l’Opéra Garnier.

Depuis près de vingt huit ans j’explore ce monument jusque dans ses moindres recoins. J’ai d’abord été hôtesse d’accueil et officieusement guide pour VIP parce que je dévorais les livres qui décrivaient son architecture et son histoire, la grande et la petite. Très vite, j’ai fait partie des comédiens engagés par intermittence selon les besoins de mise en scène d’opéras.
En deux décennies j’ai arpenté ses couloirs côté public et coulisse, en long, en large et en travers, du toit au grenier jusqu’aux sous-sols abyssaux, les écuries, les puits d’accès à son légendaire Lac souterrain, la salle des cabestans.
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Profondément inspirée par des univers gothiques, steampunk, ou post nucléaires, je réinterprète mes déambulations dans ses méandres désertés. Dès ma première année, je guettais l’entretemps, quand juste après le départ du dernier spectateur, je traînais un peu le pied avant de regagner le vestiaire. Je croisais un ou deux rats sans tutu ceux-là, et j’entendais comme des bruissements, vibrations, sans aucun doute les fantômes de maris trompés armés de revolvers courant dans les coursives faiblement éclairées entre l’Allée des soupirs et les escaliers, non pas le Grand mais ceux qui serpentent autour des ascenseurs.
Un vrai labyrinthe chargé de vécu et toujours peuplé de murmures anciens ou contemporains qu’on essaie de déchiffrer comme dans les tunnels souterrains de Paris si bien décrits par Victor Hugo et où les noms de rues vous aiguillent vers une carte infidèle à la ville de surface. Celle du dehors.
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A l’heure du confinement, ces couloirs sombres mènent-ils tout droit vers « La jetée » de Chris Marker, vers une vie de rat ?